samedi 7 septembre 2013

Erdogan assiste impuissant à la guerre civile qui fait rage à ses frontières (Edward Luttwak)

"Ceux qui dénoncent la retenue et la prudence du président et le taxent de cynisme et de passivité doivent avoir le courage de dire quelle serait la seule autre option: une invasion américaine généralisée, pour vaincre à la fois Bachar Al-Assad et les extrémistes luttant contre son régime. Le résultat en serait une Syrie sous occupation américaine. Or, peu d'Américains soutiendraient aujourd'hui une énième et dispendieuse aventure militaire au Moyen-Orient. Toute évolution significative, dans un sens ou dans l'autre, mettrait les Etats-Unis en danger. A ce stade, le statu quo est la seule option qu'ils ont encore intérêt à favoriser."

Edward N. Luttwak (Membre du Center for Strategic and International Studies) @ Le Monde: Seul le statu quo est tenable en Syrie.  Extraits:

Le gouvernement Obama doit résister à la tentation d'intervenir davantage dans le conflit syrien: quel qu'en soit le vainqueur, il ne peut avoir qu'une issue regrettable pour les Etats-Unis. [...]

Loin de la démonstration de puissance attendue, la Turquie apparaît aujourd'hui paralysée, et Recep Tayyip Erdogan assiste impuissant à la guerre civile qui fait rage à ses frontières. C'est pourquoi, sans une rébellion encadrée par les Turcs et basée en Turquie et que les Etats-Unis auraient pu soutenir en fournissant des armes, du renseignement et des conseils, la Syrie est en proie à l'anarchie et à la violence.

Le conflit est désormais le fait de petits chefs de guerre et de dangereux extrémistes de toutes obédiences: des salafistes fanatiques semblables aux talibans, qui frappent et tuent jusqu'aux plus pieux des sunnites parce qu'ils refusent d'imiter leurs pratiques contre-nature ; des extrémistes sunnites qui assassinent des alaouites et des chrétiens innocents au seul motif de leur religion; des djihadistes venus d'Irak et d'ailleurs qui clament leur intention de faire de la Syrie la base d'un djihad mondial visant l'Europe et les Etats-Unis.  [...]

Les Etats-Unis ne peuvent privilégier qu'une seule issue: un match nul prolongé. Il est triste, tragique même, que telle soit aujourd'hui la "meilleure solution" ; cependant, privilégier cette option n'est pas cruel envers les Syriens, qui dans leur grande majorité sont confrontés au même dilemme. En cas de victoire des rebelles, les Syriens non sunnites ne peuvent s'attendre qu'à être exclus de la société, voire massacrés ; la majorité sunnite qui n'est pas fondamentaliste, elle, s'expose à une oppression politique renouvelée si c'est Bachar Al-Assad qui l'emporte. Si les rebelles prennent le dessus, les sunnites modérés se retrouveront marginalisés politiquement par des dirigeants fondamentalistes, qui ne manqueront pas d'imposer des interdits draconiens.


Voilà pourquoi les Etats-Unis doivent avoir pour objectif d'entretenir l'impasse. Et pour cela, il n'y a qu'une seule méthode: armer les rebelles quand les forces d'Assad prennent l'ascendant, et au contraire couper ces approvisionnements dès que les rebelles semblent en passe de l'emporter.

C'est d'ailleurs une stratégie proche de celle adoptée jusqu'ici par le gouvernement Obama. Ceux qui dénoncent la retenue et la prudence du président et le taxent de cynisme et de passivité doivent avoir le courage de dire quelle serait la seule autre option: une invasion américaine généralisée, pour vaincre à la fois Bachar Al-Assad et les extrémistes luttant contre son régime. Le résultat en serait une Syrie sous occupation américaine. Or, peu d'Américains soutiendraient aujourd'hui une énième et dispendieuse aventure militaire au Moyen-Orient. Toute évolution significative, dans un sens ou dans l'autre, mettrait les Etats-Unis en danger. A ce stade, le statu quo est la seule option qu'ils ont encore intérêt à favoriser.

(Traduit de l'anglais par Julie Marcot) In Syria, America Loses if Either Side Wins, NYT

A propos de la politique turque, Edward Luttwak confiait à Tablet en 2011:

"Tablet: What do you make of the Obama Administration’s increasingly close diplomatic alliance with Turkey? There seems to be this effort to build up the Turks as an alternative hegemon to Iran in the region, even as Recep Tayyip Erdogan, the Turkish prime minister, is trying his best to create an Islamic one-party state.

EL: Hillary Clinton and her staff are not fools. Therefore, they must know that the Turkish foreign minister is a fool. I know him personally. The man is an idiot. Hillary Clinton and her advisers are not idiots. No advantage would be served for the United States to recognize where Erdogan is really going. It’s much better to pretend that he’s a member of NATO and North Atlantic Alliance and all the rest of it."

2 commentaires :

Anne juliette a dit…

En 1988, Saddam Hussein utilisait des gaz chimiques contre son peuple (les Kurdes) pendant 8 MOIS, de Février à Septembre, faisant 130000 morts civils, femmes, enfants et hommes, sous l'ère du président socialiste Mitterrand, et la France, l'Europe et même les USA ont laissé faire.
Pourtant, sept ans auparavant, en 1982, Mitterrand était accouru au secours des Palestiniens lors du massacre de Sabra et Chatila, qui avait fait entre 300 et 700 morts, soit 200 FOIS MOINS de morts qu'en Irak.
MAIS IL S'AGISSAIT DE PALESTINIENS MUSULMANS, RELIGION ET ETHNIE SUPERIEURES A TOUTES LES AUTRES POUR LE MONDE.
En 2013, sous l'ère d'un autre Président socialiste, Bachar El- Assad, bien qu'il reste un petit doute sur l'auteur du gazage, utilise des gaz chimiques le 21 Août (une seule journée) sur son peuple faisant 300 morts, et là Hollande acquis à la cause musulmane et Obama (dont le grand-père, donc le père sont musulmans) veulent punir le tyran, au risque de mettre le feu à la région et à Israël, mais gageons que des enfants israëliens gazés par Bachar El-Assad ou les rebelles syriens n'entraîneront pas la même indignation et la même réaction des dirigeants occidentaux.
Après tout, il y a 70 ans, l'Europe (et les USA dans une moindre mesure) ont fermé les yeux sur le gazage de plus d'un million d'enfants juifs. Et, croyez-moi, vu l'immense vague d'antisinonisme mêlée d'antisémitisme qui parcourt l'Europe de haut en bas aujourd'hui, peu seront attendris par le sort des enfants israëliens et seront promptes à condamner Israël si elle riposte.

Anonyme a dit…

@Anonyme Anne juliette

L'U.E et sa mouvance caviar ont toujours été très sensibles à la Koz'.
Fabius a offert soixante millions d'euros à Ramallah (les marseillais doivent apprécier...)et l'U.E qui prévoit qu'un laboratoire, une entreprise ou une université israélienne ayant des activités dans ces territoires occupés lors de la guerre des Six-Jours ne sera plus éligible à des financements ou à des prix octroyés par l'UE"

Franco